Jour 1 :
Quoi de mieux que le jour de l’ascension pour commencer notre ascension ? Et hop nous voilà parti pour la grande traversée de l’île, la diagonale des fous, départ de St Denis au Nord, arrivée prévue dans 11 jours à Basse vallée dans le Sud sauvage. Entre les deux, 180km, 10 000 m de dénivelé, le cirque de Mafate, celui de Cilaos, le piton des neiges, le volcan de la fournaise. De la plaine des sables aux champs de canne à sucre en passant par la forêt primaire. Un voyage extraordinaire au cœur de la nature réunionnaise classée en 2010 au patrimoine de l’Unesco.
7h36, St Leu , départ du premier bus direction St Denis. De là on enchaine directement avec les bus 12 puis 12b.
10h, Lieu dit ‘Le brulé’, nous voilà sur nos deux pieds, sacs sur le dos. On a du équilibrer les charges pour avancer à la même vitesse : 2kg pour Elodie, 16kg pour Nicolas…
Le temps est splendide, aventuriers, c’est parti pour la grande randonnée !
Le chemin jusqu’à Mamode camp est bordé de goyaviers, petits fruits rouges aigreelets qui poussent…sur le goyavier. C’est jour férié, les familles viennent profiter de l’air frais des hauts et faire la cueillette pour préparer de bonnes confitures maisons. L’ambiance aux kiosques de mamode camp est décontractée, les barbecus sont lancés, une bonne odeur de grillades nous chatouille les narines. Nous continuons notre route sur un chemin argileux détrempé, ça glisse, on patine, la végétation est luxuriante, début de forêt primaire avec des fougères arborescentes. Puis le sol se fait plus sec, la végétation se transforme, la terre rouge contraste avec le vert de l’herbe, les bambous bordent le sentier. 4h de marche, 800m de dénivelé, le silence laisse place au doux chant des coqs, nous voilà arrivés à la plaine des chicots, premier gite de notre longue traversée. Il fait plutôt froid et humide pourtant nous ne sommes qu’en tout début d’après midi, ce soir ça risque de cailler.
En attendant que le gîte ouvre (à 15h) nous faisons notre première rencontre :
« bonjour,
-Bonjour, je peux vous renseigner ?
-Oui on voudrait savoir si au dessus de la plaine des chicots il y a une prairie ou bien c’est une forêt ?
-Oui alors ici vous êtes a la plaine des chicots, chicots ça veut dire racine en kréol.
- Ah bon d’accord
- Bon ben bonne journée
- ok merci, vous aussi. »
C’est moi ou il a pas du tout répondu à notre question ?
Bon ben finalement on va allé voir par nous même. En 100m le paysage change littéralement, on se croirait dans la brousse africaine, il fait très chaud, la végétation est desséchée, les arbres ont brulé. Petite sieste dans ce décor incroyable. Il est 17h, nous redescendons au gite, douche chaude avant un bon repas préparé par Nicolas : Soupe, Spaghetti bolognaises, bonbon coco et thé chaud. Un régal après une bonne journée de marche.
C’est dans ce premier gite que nous faisons la rencontre de Savaldor, un parisien (mais attention pas un titi parisien comme il tient à le préciser lui même), venant faire pour la deuxième fois le GR2. C’est autour d’un régiment de banane (il en a au moins 24 dans son sac !) que nous faisons connaissance. Comme vous le lirez par la suite, nos chemins se croiseront plus d’une fois au cours de ce magnifique voyage.
Jour 2 :
4h30 : Nos copains de chambrée se lèvent pour admirer le lever de soleil du haut de la Roche écrite… Non décidemment il est trop tôt, je ne mets pas un pied dehors avant 6h du mat ! bip bip-bip bip- allez debout. On rechausse les crampons, les jambes tirent un peu. La farniente sur la plage ça ne prépare pas vraiment à des kilomètres de marche. Dehors l’aube se dessine, le ciel se pare de rose et bleu, les oiseaux piaffent, la nature s’éveille. Après 1h10 d’ascension matinale, la récompense : une vue imprenable sur les cirques de Salazie et de Mafate avec en arrière plan le fameux piton des neiges. On en prend plein les yeux. Le ton du GR2 est donné. Nous repassons prendre nos sacs au gite et c’est partie pour la deuxième journée sur ce fameux GR2. Oui parce que la petite ballade de ce matin c’était un petit extra de 400m de dénivelé, mais un extra à faire absolument !
Donc au programme aujourd’hui 900m de descente. Fastoche ! Ah oui mais ça c’était sans compter sur les 50 petites montées et descentes bordant la crête. Ca casse les jambes, ça use les genoux, les cuisses et un peu le moral. Heureusement la vue est splendide, la végétation toujours aussi variée, fougères, bambous, arbustes, petites fleurs de toutes les couleurs. Après une centaine de marches, 1 chute, 1 petit déjeuner au milieu d’une prairie, 15km de rando, vient la pause tant attendue du midi avec vue panoramique sur la rivière des galets qui s’écoule jusqu’à la ville du Port avant de se jeter dans l’océan indien. Encore une fois un beau spectacle que l’on se doit d’écourter car des gros nuages noirs menaçant nous arrivent dessus et pas questions de faire la descente vertigineuse jusqu’à Dos d’ane sous la pluie.
Finalement nous arrivons au sec au gite Les accacias chez Nativel où nous sommes tout étonnés de retrouver notre parisien qui attend devant le portail du gîte depuis midi. Et oui rien ne sert de courir, les gîtes n’ouvrent qu’à 15h alors autant profiter de la vue pendant la randonnée… Le gîte est très grand, propre, silencieux, vue imprenable sur l’océan. Les giteurs sont très sympas. Ce soir c’est demi pension, pieds sous la table (enfin nicolas a quand même couru pendant 1h dans tout le village pour trouver du pain pour demain). C’est ici, allongés sur la pelouse en train d’admirer le merveilleux coucher de soleil, que nous faisons la connaissance du 4ème laron, un petit suisse bucheron, avec qui nous ferons un bout de GR.
Jour 3 :
6h45, après une bonne nuit de sommeil au calme, petit déjeuner gastronomique avec miel direct du propriétaire qui est apiculteur et œufs de caille direct du propriétaire qui est aussi éleveur. Miam miam un régal, parfait pour cette journée qui s’annonce encore une fois sous un beau ciel bleu.
Nous partons tous les 4, très vite délaissé par notre ami parisien qui n’a toujours pas pris le rythme des vacances et décide de courir. Le sentier est fantastique : une descente sans marche ! youpi ! nos genoux vous remercient ! Nous avalons de ce fait assez rapidement les 800m de descente du sentier Ste suzanne pour atteindre le lit de la fameuse rivière des galets. Bon ben y a pas le choix, va falloir se déchausser pour traverser. Nos pieds sont très contents de ce petit bain rafraichissant.
2km à longer les berges, à traverser le cours d’eau en sautant de rochers en rochers. C’est très sympa, mais voilà, toutes les bonnes choses ont une fin. Maintenant il faut regrimper 600m. Heureusement qu’il y a Cédric (le petit suisse), ça m’empêche de trop raler.lol. Il est 11h, le petit déjeuner commence à être loin, un petit arrêt casse croute s’impose. Et aujourd’hui mesdames et messieurs repas gastronomique : du taboulé. Vous rigolez mais franchement ça change des pates, du riz et des sandwichs. Un vrai petit réconfort. Et dieu sait qu’il en faut car fini la petite rando tranquille, ça va grimper dur et nos amies les marches ont fait leur grand retour ! Les garçons se tire la bourre, et moi je peine derrière en essayant de les suivre tout en prenant de temps en temps des photos souvenir. Ben oui sinon comment on se souviendrait de ces bosquets de bambous géants d’un vert intense, de ces marches interminables,… J’ai les cuisses en feu mais ça y est !Enfin arrivée en haut ! bienvenu à Aurère ! Ce petit ilet est étonnant, il y a des fleurs partout, attention pas des fleurs sauvages, non non des fleurs plantées dans des jardinières, des parterres en formes d’animaux. On s’attend presque à voir un panneau « Aurère ville fleurie 4 fleurs ». En passant, nous prenons une photo sur le sentier et là un bonhomme sort de chez lui et nous crie dessus en Kréol. On n’a toujours pas compris pourquoi car même en re-regardant les photos on était vraiment très très loin de chez lui. Enfin bon c’est pas grave de toute façon on ne dort pas ici mais à ilet à malheur.
100m de descente, 100m de montée, le tout direct bien sur grâce à nos amies les marches. Cédric nous parle de ses escapades en parapente au maroc et puis d’un coup c’est le doute :
« -c’est normal qu’il n’y ait plus de marques rouges et blanches (le GR) mais seulement des blanches ?
-oui oui t’inquiète on a regardé sur la carte.
-Ok »
un peu plus loin :
«je trouve pas ça normal quand même, en plus il n’y a plus personne. Bon je regarde sur mon topoguide. Ah ben non on n’est plus sur le GR mais sur la variante.
-ah bon fait voir . Pourtant moi sur ma carte c’est le GR ici.
-Et elle date de quand ta carte ?
-Attend je regarde : 2002.
- Moi 2010. Apparemment y a eu un nouveau tracé. »
Et puis en y regardant de plus près on s’aperçoit qu’en fait le nouveau tracé du GR passe comme de par hasard par tous les villages alors que l’ancien tracé les évitait…hmm. Buisness buisness quand tu nous tiens.
L’arrivée sur ilet à malheur est également très fleurie. Le nom de cet ilet lui a été donné en mémoire de la quarantaine d’esclaves en fuite exterminés en 1829. Heureusement c’est de l’histoire ancienne et aujourd’hui je l’appellerais plutôt ilet à Bonheur. On se pose au gite, Dodo et pringles, ici l’épicerie a tout ce qu’il vous faut : du cassoulet, des sardines, du riz, du pinard, et même des petites cartouches de gaz ! et tenez vous bien, le tout à un prix encore moins cher que sur la cote St leusienne! Qui a dit que l’helico coutait plus cher que la voiture ?! ah oui parce que à Mafate, il n’y a pas de route, tout est livré par hélicoptère…
On enlève les chaussures, on fait sécher le linge, on prend une douche bien chaude dans une salle de bain super classe avec carrelage au mur tout neuf s’il vous plait. Et puis finalement on va faire un petit tour car il y a une bande de 10 médecin-kinés à la table à coté qui sont en train de se raconter comment ils ont découpé le sternum d’un gars à la scie. Ouais bon ben moi je préfère le doux chant des oiseaux. A plus.
18h il est temps de préparer le repas, enfin je devrais plutôt dire que mon sherpa cuisinier, j’ai nommé le grand Nicolas, nous prépare le repas car moi j’avoue que depuis le début je ne m’occupe de rien. C’est lui qui a tout organisé de l’itinéraire à la réservation des gîtes, moi je n’ai qu’à marcher en essayant de ne pas trop râler ;-)
Jour 4 :
Après un petit déjeuner composé de céréales, il est 7h30, départ pour le 4ème jour de marche. Aujourd’hui toute petite journée, 3h seulement jusqu’au gite de Cayenne. On traverse ilet à bourse puis le village de roche plate où on croisera… une boite au lettre : « La levée de Mardi a été faite, prochaine levée dans 7j ». c’est à peine croyable, j’ai presque envi de m’arrêter pour envoyer une carte postale d’ici, le bout du monde.
Arrivée à 11h à Cayenne, Cédric lui continue sa route, on se retrouvera à Cilaos ou à St Leu. De notre coté, en attendant l’ouverture du gîte, on décide d’aller se poser sur l’hélipor,t un peu en dehors du hameau. De là, vue imprenable, on aperçoit des pailles en queue (oiseau blanc à longue queue) et des papangs (genre de buse).
Après un bon repas (cette fois c’est du riz), séance massage et sieste à l’ombre des bambous . J’en profite également pour écrire les premières lignes de notre aventure, bercée par le doux grincement des bambous géants. Cayenne constitue une bonne pause pour les muscles et les articulations après 3j de marches intensives. Le reste de l’après midi se déroulera tout aussi tranquillement entre lavage des habits et des randonneurs. Ici c’est un peu le bout du monde, un petit filet d’eau tiède, la peinture écaillée, une petite odeur de renfermé et des giteurs qui ne parlent pas un mot de français. Un vrai gite au fin fond de la montagne quoi. A 17h nous prenons notre souper gastronomique, soupe, pates bolognaise, bonbons coco et thé. A coté de nous il y a un couple d’allemands envieux qui fait les 100 pas devant la cabane du « réfectoire » depuis 1h. Courage mes amis, dans les gîtes le repas n’est servi qu’à 19h.
Jour 5 :
5h30 le réveil sonne, on saute dans nos chaussures, petit dèj express, on allume la frontale et c’est partie pour la suite de l’aventure. Les jambes sont en pleine forme grâce au break d’hier ! Sensation étrange que de descendre une montagne la nuit avec une lampe pour deux. Les bruits sont différents, tous les sens sont en alerte. On longe une immense clôture où un écriteau nous apprend qu’ici les gens n’étaient pas en faveur du passage du GR2 « Respectez les habitants. Silence. » L’aube pointe son nez, plus besoin de lampe, la nature s’éveille, les oiseaux gazouillent. Après 200m de descente, nous traversons un pont suspendu au dessus de la rivière des galets, puis remontons de 650m jusqu’à ilet des orangers situé à 950m d’altitude. Il est 8h, une famille emmène ses enfants à l’école, une autre arrose son jardin. Nous crapahutons à travers des champs de mais dans lesquels poussent des bananiers tandis que les travailleurs des emplois verts commencent à débroussailler le chemin.
Nous voici à ti col, 1293m, de la haut une très belle vue sur mafate s’offre à nous. On arrive au village de roche plate à 10h. non non non, pas question de refaire une journée glande. On décide de doubler l’étape, c’est à dire de continuer jusqu’au village de La Nouvelle. Après 30min de palabre téléphonique avec la maison de la montagne pour annuler le gite et décaler le suivant, nous revoila parti sur les chemins. Nous passons devant l’école du village (10 élèves au grand max) il y a une ecole dans pratiquement chaque hameau que l’on traverse. A mafate les instituteurs ne travaillent que 4j sur 5. Et oui il faut bien prévoir 1j de marche aller retour pour qu’il puisse rentrer chez eux le week end. Petit arrêt à l’épicerie pour prendre du pain de mie et remplir les gourdes avec le tuyau d’arrosage. Le soleil est toujours de la partie, nous entamons une descente vertigineuse de 300m pour atteindre la rivière des galets située au fond de la gorge, des marches encore des marches. Le plus dur psychologiquement: pendant que l’on descend, on voit sur l’autre versant le chemin qu’il faudra remonter…
nous croisons un couple de retraité pratiquement en bas de la descente « bonjour, dites donc elles sont hautes ces marches, c’est encore long comme ça ? – non après ç’est plus facile, il suffit d’y aller tranquillement » on n’a pas eu le courage de les démotiver en leur disant qu’ils n’en étaient qu’au début. Finalement vers midi nous atteignons enfin la rivière pour un repos bien mérité. Cela fait quand même 5h30 que l’on marche. Ce fond de vallée est très bucolique, on est là, tout seul, à manger sur les gros galets, en écoutant l’eau qui ruisselle. « J’y resterai bien tout l’après midi moi ici. La petite pose casse croute d’une demi heure terminée, nous voilà repartis. Arpès 30 minute à longer, traverser, retraverser la rivière, à essayer de ne pas tomber dans l’eau, pour finalement enlever les chaussures et aller carrément dans l’eau (nicolas lui saute de rocher en rocher avec son sac de 15kg sur le dos !) nous voici face à une montée in-ter-mi-na-ble ! 700m de dénivelé ascenseur c’est à dire des marches rien que des marches ! la vue est magnifique avec cette rivière en contrebas mais là je commence à en avoir plein les pattes de ces marches ! promis juré je ne me plaindrai plus jamais quand quelqu’un me dira qu’il habite au 5eme sans ascenceur ! Les Bibes, énormes araignées au corps noir et jaune sont toujours de la partie, j’ai d’ailleurs faillit m’en prendre une qui avait décidé de tisser sa toile au beau milieu du chemin à hauteur des yeux.brrrr.j’avance de plus en plus lentement, nicolas me gave de barres energetiques mais rien à faire, il fait trop chaud pour avancer, une pause s’impose ! Nicolas me essaye de me remotiver « Aller courage on a passé la moitié, il ne reste plus que 300m de dénivelé…glup, j’ai le moral dans les chaussettes, moi qui pensais que la terre promise (comprendre le gite et sa douche) était bientôt en vue… je mets mon cerveau en mode automatique, mes jambes montent toutes seules les marches. Et une, et deux, et trois,… et 346 et puis là, Oh miracle, le panneau tant attendu « bienvenue à La nouvelle » ! Oui ca y est on est arrivé !!! youpi !!
Ni une ni deux, je me mets à galoper ( comme quoi la fatigue c’est bien dans la tête ) et nous voilà dans un magnifique petit village rempli de maisons colorées au milieu d’une vaste prairie, des jardins fleuris, de l’herbe fraichement coupée. Après 9h de rando, des milliers de marches et plus de 2000m de dénivelé nous y voilà ! 15h, pile poil pour l’ouverture du gite ! douche, lessive, étirements, le rituel habituel puis un petit tour dans le village. « Nicolas j’ai dit un petit tour ! non je n’ai pas envie d’aller voir ce qu’il y a derrière cette colline la bas ! on verra ça demain ! » Après l’effort, le réconfort, on s’arrête à l’épicerie « bon il n’y a aucun prix d’affichés .-combien c’est le chocolat ? -4€. –Et les cookies ?-4€. -Ok mais pourquoi sur votre cahier là c’est marqué 2,70€ ? -Haussement d’épaule de la vendeuse parce que pour vous c’est pas ce prix là. » Ok bon ben La nouvelle c’est charmant mais par contre ils ont bien compris ce qu’était un touriste ! D’ailleurs ils ne vivent pratiquement que de ça et les différents guides de voyage commencent à critiquer un peu cet esprit business business que nous n’avons retrouvé dans aucun autre village, grand ou petit. Ce sentiment de village touristique/business se confirme au moment du repas où on nous sert du rhum arrangé qui en fait s’apparente plus à du jus d’orange mélangé à du rhum dans lequel on a glissé une plante lambda dans la bouteille pour faire vrai, ensuite carry poulet, du riz plus que collant, des flageolets tout droit sortis de la boite, du poulet lidl,… merci ça fera 18€. On ne va pas se plaindre, pour ce prix là on a le droit à un feu dans la cheminée J
22h il est plus que temps de se coucher. Petit regard vers le ciel, aucune lumière à l’horizon, le ciel est constellé de milles étoiles, la voie lactée est magnifique, bonne nuit les petits randonneurs, faites de beaux rêves.
Jour 6 :
Réveil à 6h, aujourd’hui on change de cirque, adieu Mafate, bonjour Cilaos.
On traverse le village de Marla, seulement 5 cartables accrochés au porte manteau de l’école.
Direction le col du Taibit, 500m plus haut. La montée est rude, mais ne vous inquiétez pas, on a mis le turbo pour ne pas se faire doubler par un groupe de randonneurs du dimanche. L’honneur est sauf. En venant nous cherchez au niveau de al route, Mireille nous évite 1h30 de marche pas très intéressante. Et là en chemin Oh surprise ! mais oui bien sur, c’est notre parisien et notre petit suisse ! Mais qu’est ce que vous faites la ? On vous croyez déjà bien loin devant ! On avait une chance infiniment minuscule de tomber sur eux en prenant la route et bingo ! Hasard quand tu nous tiens… Ce soir nous logeons chez Thérèse une vieille dame de 86 ans pleine de vie. Elle fait le meilleur cari de la réunion, a de magnifiques fleurs et vous passeriez toute la nuit à l’écouter raconter ses histoires d’antan. Une rencontre magique et rare comme je les apprécie.
Pendant que nicolas joue les réparateurs de PC, je vais en ville rejoindre les garçons, et comme de vieux aventuriers nous nous racontons nos péripéties de voyageurs. Tchin tchin, aux retrouvailles et aux futures randos.
Après une bonne nuit de sommeil dans un vrai lit et des draps qui sentent bon, nous voilà frais d’attaque pour une nouvelle ascension. Petite anecdote : une petite souris n’a pas pu résister à l’odeur, mais non pas de mes pieds ! du chocolat ! MON chocolat ! Inutile de vous dire qu’elle a été chassée illico presto. Non mais, on ne touche pas à mon chocolat !
JOUR 7 :
Ce matin pas de stress, en plus Mireille nous conduit gentiment jusqu’au Bloc, ce qui nous évite 3km de marche le long de la route. Objectif de la journée : ascension pour la caverne Dufour- gîte du piton des neiges 2478m d’altitude. Dur dur de repartir après une grande pose de 24h au milieu de la civilisation. Dans un mauvais jour, je décide d’attribuer la médaille de la pire rando à cette montée. En effet, pour moi je ne lui trouve aucun intérêt. Une belle vue sur Cilaos certes mais 1100m abrupte remplie de marches !grrr je hais les marches ! Au refuge nous retrouvons nos 2 amis. Nicolas et Salvador se motivent pour aller voir le coucher de soleil du haut du piton des neiges, moi je reste au gîte, de toute façon on y va demain alors pourquoi se fatiguer ?
La nuit s’annonce terrible, nous sommes en dortoirs de …16 ! Les lits sont superposés sur 3 étages et comble de malchance, en plus d’avoir hérité du plus gros dortoir, nous avons hérité des 5 plus gros ronfleurs de l’ile ! Impossible de fermer l’œil de la nuit. Et avant de passer à la suite je vais vous faire partager notre nuit avec LA famille des emmerdeurs : pour le début de la nuit je demande le fils. 21h tout le monde se couche car demain debout vers 4/5h du mat. Et vla ti pas que M. le fils joue pendant plus d’une demi heure avec son portable hyper méga lumineux . Quelqu’un craque « si tu veux jouer avec ton portable tu vas dans la salle commune ok ! Réponse du fils qui a plus de 20 ans quand même: ah bon, ca te dérange ? » ben non tiens j’adore m’endormir avec le bip bip des jeux et un phare braqué sur ma tête !
4h du mat je demande le père : « il est 4h, il est l’heure de se lever », snooze, « il est 4h07, il est l’heure de se lever », snooze « il est 4h15 il est l’heure de se lever ». P….N il va se lever ou je lui fait manger son réveil !. adieu précieuse minutes de sommeil. Puis je demande le père et la mère « il est où mon K-Way ?-je l’ai mis dans ton sac !-mais non je le vois pas- mais si je te dis ! » non mais c’est pas vrai ils vont pas nous faire une scène de ménage à 4h du mat dans le dortoir quand même ! Mais la palme du jour revient à la phrase mythique du père : un semblant de calme est revenu dans le dortoir, il est 4h30 du mat, et la le père clame haut et fort « ben y a pas de pti dejeuner ? on y va le ventre vide alors ?! » no comment…
Bon ben puisque on est réveillé autant se lever. Nous nos sacs sont prêts, on mange une barre de céréales, ben oui moi je sais pas pourquoi mais je me doutais bien qu’à 4h du mat les responsables du gite n’allaient pas se lever pour m’apporter les croissants au lit. En moins de 5minutes nous sommes dehors, prêts à affronter le sommet et admirer le lever du soleil en haut du piton des neiges, plus haut sommet de l’océan indien avec ses 3070m. Toujours 1 frontale pour 2, l’air est frais, on double les 2 groupes qui sont partis il y a pourtant plus de 20min. 1h30 de montée à travers les cailloux, rochers et éboulis. Finalement Nicolas nous fait bifurquer du chemin pour aller se caler dans un endroit magique où nous ne profiterons qu’à 2 en amoureux de ce spectacle grandiose. L’aurore se lève, les 3 cirques se dévoilent, on voit même l’océan. Tout simplement magique.
Après s’être gelé les mains pour vous ramener de belles photos (gants bonnet écharpe et gros manteau obligatoires !) nous faisons un petit tour sur les scories rougies par les premiers rayons du soleil avant d’entamer notre redescente vers le gite. Et oui ces petits 600m de dénivelé n’était qu’une mise en jambe, la vraie rando commence maintenant, direction Bourg murat.
Mais avant de vous raconter la suite de nos péripéties voici un petit aparté technique sur les cirques et le piton des neiges : Si le cône était parfait, le sommet de l’ile culminerait à 5000m d’altitude. Mais voilà, il y à 500 000 ans environ, sous son propre poids, le volcan s’est affaissé, puis le sol s’est effondré pour former les 3 cirques actuels Salazie, Cilaos et Mafate qui se rejoignent au niveau du piton des neiges et forment, vu du ciel, un grand trèfle. Les 3 cirques sont entourés de remparts culminant entre 1500m et 2500m tandis que l’intérieur des cirques lui varie entre 500m et 1500m. Ce paysage chaotique est le fruit de pluies torrentielles qui ont ravinées pendant des millénaires, creusant ainsi des gorges profondes.
Nous débouchons sur une prairie, des vaches, une odeur de foin qui est en train d’être coupé, les feuilles qui tombent des arbres, on se croirait au milieu de la France, bienvenue dans la plaine des Cafres. Après 10minutes de cette nature verdoyante, le reste de la ballade s’annonce moins paysanne. En effet à partir de maintenant il faut longer pendant 45 minutes une nationale, sans bas coté, avec des voitures qui nous frôlent a toute allure. Arrivée au village il nous faut encore marcher 20 minutes pour atteindre le gite chez Myris. Pendant cette longue marche sous la bruine accompagnée du doux son des voitures je me pose cette question : Mais pourquoi la maison de la montagne conseille aux randonneurs le gite le plus loin et le plus dangereux d’accès alors qu’il y a d’autres gîtes bien plus près du GR ?copinage ? en tout cas je déconseille ce gite à tous les randonneurs. Un accueil plutôt froid « vous avez un endroit pour qu’on puisse s’installer et préparer notre repas ?non. bon et est ce qu’on pourrait s’installer à table avec nos deux amis qui mangent là ? non ce qui est acheté à l’extérieur du gite doit être consommé à l’extérieur ! oui mais bon dehors il pleut et en plus dans un gite pour les randonneurs normalement il y a toujours une salle hors sac pour les personnes qui ne veulent pas payer 18€ à chaque repas. -Non vous mangerez dehors ! » ok sympa l’accueil. Ben puisque c’est comme ça on mangera dans notre chambre ! en plus d’être pas sympas, ils ont coupé l’eau chaude dans tous les lavabos, seule 1 douche sur les 2 à de l’eau chaude et encore c’est un cumulus donc si vous êtes le dernier tant pis pour vous ce sera douche froide ou douche froide, ils ont enlevé les bouchons des lavabos pour ne pas qu’on puisse faire de lessive dans les lavabos mais vous informent gentiment qu’ils peuvent vous faire une machine pour 5€ et sécher votre linge pour 5 autre euros ! Et pour finir le tableau le petit déjeuner est plus que rationné !Gite chez Myris à éviter absolument !!!!
Jour 8 :
Pas question de remarcher 45minutes au bord de la nationale. On décide de partir un peu pus tard que d‘habitude et de prendre le bus dans le centre ville. Attention ici les bus ne passent pas à l’heure, prévoir plus ou moins 25minutes par rapport à l’horaire indiqué. Aujourd’hui en route pour le volcan du piton de la fournaise. Ca va être une belle rando : départ de bretagne avec des prairies et de l’herbe bien verte, puis on continue dans une forêt de cryptomeria du japon, pour déboucher dans les landes et sa végétation rase et enfin atterrir sur Mars au milieu de la plaine des sables, étendue désertique créée par le volcan…
Nous déjeunons tous les 4 au milieu de cette immense plaine de scories. ca fait un peut far west comme ambiance. Puis nous reprenons notre marche vers le gite où nous attend une bonne dodo bien fraiche. Tranquillement posé dans l’herbe, un couple de retraité suisse allemands très bien portant s’installe à coté de nous, boivent leurs bieres et font les rots les plus immondes qui soit. Ah non franchement c’est vraiment trop dégoutant, je m’en vais.
« Tu sais Cédric c’est une aprem fantastique, j’ai jamais vu le volcan aussi dégagé, tu devrais y aller tout de suite t’as le temps il n’est que 14h.
–non non je le ferai demain matin ca sera encore plus beau
-t’es sur parce que normalement y a toujours des nuages ou du brouillard et la c’est vraiment incroyable
-non non j’irai demain »
Inutile de vous dire qu’il a repensé à cette conversation lorsqu’il entamé l’ascension du volcan le lendemain à 5h du mat….au milieu du brouillard. Moralité si il fait beau allez y !
Pour finir j’aimerai vous raconter quelques anecdotes et scènes mythiques que nous avons vécu dans ce lieu magique :
En haut des 536 marches qui descendent dans l’enclos Fouqué du volcan:
1 : « y a mon gamin qui a perdu son doudou vous l’auriez pas vu ? – non désolé - bon ben chéri faut descendre, il a du le laisser en bas. Pour éviter une crise de larme ce soir et passer une bonne nuit, le mari descend les 536 marches…en tongue. Et là, une fois qu’il est bien en bas et en a plein les pattes car c’est la deuxième fois qu’il fait ces 536 marches en moins d’une heure, sa femme qui est restée en haut de l’enclos se tourne vers nous et dit : « – ah ben regardé où il est le doudou, y a quelqu’un qui a du le trouver et l’a remonté - chéri ouh ouh chéri, c’est bon jai le doudou tu peux remonter »…. pauvre mari…
2 : allez on y va, hop hop hop. On se dépêche. C’est bien ma grande. Ca va ? Allez on descend on courant les marches ? » d’après se monologue et le ton employé on s’attend tous à voir apparaitre un homme et son chien. Mais là je vous jure qu’on est tous resté scotché en voyant qu’il ne parlait pas du tout à son chien mais à sa femme !!! et pour couronner le tout le mari lui sort une phrase effarante « bon tu fais attention à pas te faire mal, sinon on va encore être emmerdé ! »
3 : A la fin du repas, alors qu’on en est au ti rhum arrangé notre voisine de table de 50 ans nous sort la 3eme phrase mythique du trek en regardant tout sourire les garçons: « vous dormez avec moi ce soir dans la chambre de 4 ? » inutile de vous dire que dès qu’elle a quitté la table on est tous parti dans un grand fou rire. Ce n’était pas son intention mais une dame de 50 ans qui demande à 3 petits jeunes de 30 ans s’ils dorment dans sa chambre ce soir, c’était quand même fantastique comme quiproquo.
Jour 9 :
Voilà, aujourd’hui c’est notre dernier jour de rando, la fin d’une grande traversée. Plus que 2000m de dénivelé pour rejoindre la mer et c’est fini. Cédric étant parti faire le lever de soleil au sommet du volcan, c’est à 3 que nous nous dirigeons vers basse vallée. Le temps est un peut à l’image de notre humeur : froid et brouillard. L’envie de finir sans pour autant vouloir retourner à la civilisation. On est bien là dans la nature non ? Ce brouillard rajoute un coté mystique, seuls dans la plaine des sables, a la recherche des marques du GR2 avec pour seule lueur la lumière de nos frontales.
Le vent se lève, Un petit groupe de buissons nous abritera le temps de la pose petit déjeuner. Un bon thé chaud pour se réchauffer les os. 3 explorateurs dans la brume. On se croirait au bout du monde. Nous longeons l’enclos du volcan et découvrons l’arrière du décor, la face cachée, celle que l’on ne peut voir qu’en se donnant la peine de marcher. Un peu plus loin au niveau de Piton Bois vert, la brume se lève, l’auvergne s’offre à nous : des mini volcans surgissant au milieu des ajoncs. Puis enfin l’océan, en bas, 2000m plus bas ! Une dure épreuve attend nos genoux et nos jambes fatiguées.
Le terrain est très glissant, les pierres volcaniques se mettent sous les semelles de sorte qu’on a l’impression de descendre une pente raide en patin à roulette. Quelques chutes plus tard, changement de décor, on entre dans la forêt primaire, cette fois ci ce sont des rochers mouillés et bien glissant qu’il faut affronter. La chaleur augmente au fur et à mesure que l’on descend. L’humidité ambiante nous rend moite. Descendre, descendre, toujours descendre. Pas le temps pour des pauses photos. Le gite de basse vallée est complet, il faut absolument réussir à prendre le bus jusqu'à St leu ce soir. 1000 m de descendu, à peine la moitié, je suis lessivée. Stop il me faut une pause ! Nicolas sort son réchaud pour la dernière tournée de pates bolognaises du voyage. Ca nous redonne du peps. Aller courage, la forêt primaire c’est finie maintenant on arrive dans une forêt plus sèche, puis s’en suit un décor automnale dans un sous bois jonché de feuilles. Descendre, toujours descendre. Mode automatique, je dévale la pente, les garçons avec leur gros sac sur le dos me suivent dans cette course folle. Un seul objectif : arriver. Nous traversons une plantation de vanille, puis ca y est, enfin le voilà, l’arrêt de bus Basse vallée. Fin de la marche on se pose comme des loques sur le banc. Nos mollets, nos cuisses, nos pieds, notre dos, notre corps tout entier est pétri. C’est la fin de l’aventure. Une belle traversée, des paysages magnifiques, l’impression d’être allé au bout du monde.
Dernière petite anecdote pour clôturer ce récit. Le bus devant arriver dans 35 minutes, Nicolas propose d’aller acheter des glaces au bar juste à coté. Au moment où je le vois sortir avec ses 2 cornets de glace et le journal du jour, je tourne la tête et voit le bus qui arrive, il a 30 minutes d’avance. Impossible de manger la glace en moins de 10s, il va falloir ruser. Je planque les glaces sous le journal, elles me dégoulinent le long du coude, vite je montre ma carte au chauffeur, en me cachant à moitié derrière Salvador. Je file au fond du bus, le journal est illisible mais quel bonheur de remanger une bonne glace : après l’effort le réconfort.
Jour 10 : Les retrouvailles
Finalement notre titi parisien n’ayant pas trouvé de place où dormir sur St pierre (gros festival, tous les hôtels sont pleins), nous l’hébergeons pour sa dernière nuit à la Réunion. Au menu grillade de poisson frais et poêlé de chouchou. Après 10j de pate et de riz du vert ça fait du bien ! le lendemain matin 12h coup de téléphone de Cedric, « -salut je suis à St leu en bas de chez vous. -et ben monte, on allait justement manger. » Et voilà comment du sommet du piton des neiges en passant par le volcan de la fournaise, les 4 randonneurs se retrouvent, par un beau dimanche de juin, pour une dernière aventure aquatique au milieu des poissons multicolores.
Fin